Auteur : Entrail_Jl
Traductrice : Moonkissed
Émotions.
Un sentiment (réaction) fort découlant de sa situation, de son humeur ou de sa relation avec les autres.
Je ne les ai jamais vraiment comprises.
Elles ne m’étaient pas étrangères — Colère, Tristesse, Peur, Culpabilité… — Je les ai toutes ressenties. Souvent.
En tant qu’êtres humains, nous sommes conçus pour les ressentir….
Mais les ressentir ne signifie pas les comprendre.
[Ne t’inquiète pas. Je vais faire en sorte que ce soit rapide.]
Une certaine voix flottait dans l’air. Elle était douce, mais portait une gravité qui attira mon attention.
Deux yeux gris ternes semblaient fixés sur moi.
Ou… c’était l’impression que j’avais. Je savais que ce n’était pas possible puisque celui qui parlait était à l’intérieur de l’écran de télévision.
Cependant, alors que je plongeais mon regard dans ces yeux, une pensée m’a soudain traversé l’esprit : « Pourquoi ai-je l’impression qu’ils me regardent directement ? »
« Pfff. »
J’ai secoué la tête.
Stupide.
[C’est la dernière étape, n’est-ce pas ? … La dernière étape avant que mon enfer ne prenne enfin fin ?]
Il se tenait seul, au milieu des décombres. Le paysage était jonché de débris et de structures brisées. Le monde autour de lui semblait s’être arrêté, figé dans le temps.
À cet instant, la morosité de son regard vacilla, et ce qui sembla la remplacer était quelque chose qui ressemblait à… de l’angoisse.
Du chagrin ?
[… Hah]
L’homme serra sa chemise, la froissant lentement tandis que ses lèvres se recourbaient lentement en un sourire flou.
[Je vais le faire.]
Sa tête s’abaissa pour croiser un autre regard.
[…]
Aux cheveux noirs, cette personne s’agenouilla sur le sol, le dos tourné vers l’écran, regardant l’homme aux yeux gris. Aucun mot ne sortit de leurs lèvres ; ils se contentèrent de le fixer.
Peut-être voulait-il dire quelque chose, mais il ne le pouvait pas. Après tout, une large blessure béante était présente dans son dos.
[Ah, oui… Je ne devrais pas faire traîner cela.]
L’homme aux yeux gris leva la main, dévoilant la lueur froide d’une épée. Ses yeux gris ternes frémirent légèrement lorsque la lame descendit d’un mouvement fluide.
SHIIING— !
[J’ai attendu bien trop longtemps pour ça.]
L’écran devint noir.
« Euh… Alors, qu’est-ce que tu en penses ? »
J’entendis une voix familière m’appeler et je baissai les yeux.
« Pas mal, je suppose. »
Si j’avais hérité davantage de notre père, il était évident qu’il avait davantage puisé dans notre mère. Ses cheveux auburn tombaient gracieusement en cascade jusqu’à son front, et ses yeux verts me regardaient.
Cet enfant, qui était mon seul parent restant, était mon frère ; Noel Rowe.
« Pas mal ? Juste ça… ? »
« Que veux-tu que je dise ? »
Je n’étais pas très bon joueur. En fait, je n’avais jamais eu le temps de jouer à des jeux. Il y avait des choses auxquelles je devais donner la priorité dans ma vie et je n’avais jamais le temps de m’adonner aux loisirs.
Il n’est pas surprenant que je trouvais le jeu inintéressant.
« Je veux dire… Tu peux mentir. »
« Et pourquoi je ferais ça ? »
« Parce que c’est mon jeu préféré. »
« D’accord… »
Quel genre de raisonnement était-ce ?
Je clignai lentement des yeux avant d’atteindre mon verre.
« Tu sais… Je pense que c’est mieux si tu ne bois pas. »
« Je m’en fiche. »
Saisissant le verre, je sentis sa texture rugueuse sous mes doigts avant de le porter lentement à mes lèvres.
Alors que le verre se rapprochait, mon attention se fixa sur le liquide brunâtre qu’il contenait. C’était du whisky, un choix qui semblait approprié pour le moment.
Alors que je baissais les yeux, mon reflet me renvoyait mon image, me donnant un aperçu de la personne que j’étais devenue.
Des yeux creux, une crinière qui s’effilochait, des pommettes saillantes : mon visage était devenu quelque chose que je ne pouvais pas reconnaître.
Même ma main tremblait alors que je serrais la tasse.
‘J’ai connu des jours meilleurs…’
Je souris amèrement à moi-même.
Cancer du poumon de stade IV.
Pas une jolie maladie.
Je me souviens encore aujourd’hui des nombreuses émotions que j’ai ressenties le jour où j’ai reçu la nouvelle. Je n’avais que 24 ans. Comment était-il possible que j’aie un cancer ? Mais je ne pouvais pas nier ce que j’avais en moi.
Alors…
Je l’ai simplement accepté.
L’acceptation n’a pas été rapide. Au début, je me suis battu. J’ai changé mon régime alimentaire et j’ai subi une chimiothérapie. Mais ma vie est devenue misérable à partir de ce moment-là.
Toutes mes économies ont commencé à s’épuiser, et chaque jour semblait plus creux que le précédent.
C’est à ce moment-là que j’ai accepté ma situation et que j’ai tout arrêté.
D’accord, très bien. Je suis en train de mourir.
Toujours.
*Sirote*
Pourquoi faire de ce qui restait de ma vie une torture ?
Je pourrais tout aussi bien profiter de ce qui en restait. Même si cela raccourcissait ma vie.
« A… mer. »
Ma poitrine brûlait et ma main tremblait.
Malgré cela, je tenais fermement le verre et continuais à en siroter. Chaque respiration que je prenais était empreinte de douleur, mais la douleur au fond de ma gorge avait un attrait étrangement réconfortant.
Alors je concentrai mon attention sur elle.
Je savourais.
« … Grand frère, vas-tu vraiment continuer à boire comme ça ? »
La voix inquiète de Noel parvint à mes oreilles.
Mais malgré son inquiétude, je continuai à boire.
« Laisse-moi… être. »
Je fermai les yeux et savourai la douleur au fond de ma gorge.
C’était la seule façon d’oublier l’autre douleur qui envahissait constamment mon corps.
*Sip*
Ça faisait mal.
Je me sentais si fatigué. Je pouvais à peine bouger. Et je me sentais si inutile.
Mais…
« Haa… »
Je me sentais à l’aise.
Oui.
C’est comme ça que ça devrait être.
« Keu…f »
J’ai été pris au dépourvu. Je n’ai pas pu le retenir. Ma poitrine battait violemment et ma main tremblait visiblement. Il m’a fallu toute ma volonté pour ne pas laisser tomber mon verre.
« Grand frère ! »
« Je… Keuf vais ! Bien. »
J’ouvris les yeux et vis que Noel me regardait d’un air inquiet.
Ma vision vacilla et ma main faillit lâcher, mais je la retins.
En le fixant, je ne ressentis que de la culpabilité. Il n’avait que 16 ans. Nos parents étaient morts depuis longtemps et j’étais la seule famille qui lui restait.
… Je ne voulais pas le laisser seul, mais quel choix avais-je ?
Si je choisissais de rester plus longtemps, avec quel argent allait-il survivre ?
D’une certaine manière, arrêter la chimiothérapie n’était pas seulement parce que je ne voulais pas prolonger mes souffrances. C’était aussi une façon pour moi de lui laisser quelque chose avant de partir.
Plutôt que de le laisser endetté et mourant, je préférais mourir et lui laisser quelque chose sur quoi s’appuyer.
C’était mon devoir.
Mon devoir en tant que frère.
Ploc, ploc.
Des larmes coulaient sur son visage alors qu’il me regardait. Le bourdonnement incessant dans ma tête rendait difficile la compréhension de ses paroles, mais il semblait qu’il essayait d’appeler une ambulance.
Je l’arrêtai et secouai la tête avant de pointer du doigt la télévision.
« Parle-moi… Parle-moi du jeu. »
« Du jeu ? »
Voyant sa réaction, j’ai réussi à forcer un sourire.
« Ouais. Dis-moi pourquoi c’est ton jeu préféré ? »
Il n’arrêtait pas d’en parler.
« C’est… »
Il ne savait pas trop quoi dire, mais après m’avoir jeté un autre coup d’œil, il essuya ses larmes et commença à tout raconter.
« Le jeu s’appelle L’Ascension des Trois Calamités, et le personnage principal s’appelle Leon. C’est un orphelin et l’histoire commence à Haven. Un institut, ou plutôt une académie où les cadets sont formés pour l’avenir de l’Empire Nurs Ancifa. L’un des quatre grands empires… »
Pour être honnête, je ne pouvais distinguer que quelques mots. Au bout d’un certain temps, je ne voyais plus que sa bouche bouger, mais j’acquiesçais.
Pour la forme. Je devais faire semblant d’aller bien.
Alors juste…
‘Laissez-moi mourir plus vite.’
Le temps semblait s’écouler sans fin et avant que je ne m’en rende compte, Noel se tenait près de la porte de l’appartement.
« Grand frère, je vais aller chercher quelque chose à manger. Je t’apporterai ton plat préféré. »
Ça… je pouvais l’entendre.
Et juste au moment où sa main saisit la porte, ses pieds s’arrêtèrent brusquement.
« Je te verrai bientôt… d’accord ? »
« D’accord. »
Je répondis, bien que faiblement.
« Bien. »
Clank !
La porte se ferma et le silence s’installa dans la pièce.
« … »
Pour une raison inconnue, le silence fit naître un sourire sur mon visage.
Mes yeux se sont lentement fermés et j’ai savouré le silence.
« Keuf ! … Keu… ! »
Pourtant, cette tranquillité s’est avérée éphémère, car j’ai été pris d’une toux incontrôlable. Lorsque j’ai rouvert les yeux et que j’ai regardé en bas, j’ai aperçu mes mains tachées de sang.
Mon sang.
« Mer… de… »
Un tintement résonna dans l’air.
La tasse que je tenais dans ma main était finalement tombée par terre, et le monde commença à tourner autour de moi.
‘On dirait que je ne peux plus maintenir la façade plus longtemps.’
Du whisky se répandit sur le sol, et ma poitrine palpitait intensément de douleur.
J’avais réussi à me retenir auparavant, mais une telle chose n’était plus possible alors que toute l’énergie s’échappait de mon corps et je me penchai en arrière sur ma chaise.
‘C’est une bonne chose qu’il ne m’ait pas vu dans cet état.’
Parfois, on souffre en silence, non pas par gêne, mais par nécessité.
Comment pouvais-je laisser mon frère voir cela ?
« Ha… Aha… »
Je sentis ma poitrine trembler alors que quelque chose transperçait mon cœur. Ce n’était pas la même douleur à laquelle j’étais habitué, mais une douleur différente.
La colère.
Le regret.
La tristesse.
De la tristesse.
Des émotions.
Voilà ce qu’était la douleur.
Je les ressentais intensément.
Je pouvais les distinguer.
Je les connaissais toutes.
Mais je ne les comprenais pas….
Et avec ces dernières pensées, mes paupières se sont progressivement fermées.
« Ah… »
C’est à ce moment-là que j’ai poussé mon dernier soupir.
Du moins, c’est ce que je croyais.